Rue du bout de la vie se compose de 2 posters. Ces derniers racontent la vieillesse, autant des lieux qui deviennent ruines que les personnes qui les peuplent.
Ce travail a été pensé en référence à l’œuvre Monument of Passaic de Robert Smithson. En reprenant les codes du photo-journalisme (agencement image/légende), ce projet questionne la notion de trace et de mémoire, de comment les ruines personnelles font « monument » (dans le sens de la « mise en œuvre de la mémoire d’un lieu » ( L’immersion dans les ruines de Passaic : le rôle créateur de la fiction dans la perception des monuments, Anaël Marion, p48).
Face A
Extrait du texte :
Elle dit pardon, pardon pour tout mais pardon pour rien. Pardon bonjour. Pardon au revoir. Pardon pardon. Pardon ponctuation qui remplace les points ou les majuscules dans les phrases courtes qu’il lui arrive encore de dire. Tiens tu peux te servir, pardon, je ne veux pas déranger. Elle ne demande plus d’aide quand elle en a besoin, préfère faire seule, quitte à faire mal, que de laisser faire, quitte à déranger. Alors quand elle pose les plats sur la table et qu’elle nous demande de nous servir, on la retrouve un peu avant de la voir disparaitre dans sa chaise, terrée dans le silence. Elle dit résignée que tout ça ce n’est plus pour elle, que pour tout ça elle a passé l’âge. Elle dit qu’il y a un âge où les gens comme elle sont dépassés, que les gens comme elle n’ont plus la force de lutter.
Face B
Extrait du texte :
Elle m’a demandé de servir. C’est le tintement des couverts, de la cuillère sur la faïence mais surtout le bruit de son regard, de la surface de ses yeux qui, si attentifs, s’assèchent. Lorsque, pour la énième fois elle m’a demandé de répéter ce que je faisais dans la vie, elle m’a dit qu’est-ce que tu fais rappelle-moi, qu’avec tous ses petits-fils ça se mélangeait dans sa tête, je n’ai pas su répondre. Et peut-être que mon silence a forcé sa mémoire car en voulant le combler, le silence, elle a fini par la retrouver, la mémoire. Parce qu’elle a dit que la dernière fois que j’étais venu, ça avait été l’écriture ma réponse, que j’écrivais. Et elle l’a dit avec des grands gestes, pompeux le gamin de vouloir écrire.